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jeudi 2 juin 2022

Histoires d’Ondes, jeudi 2 juin à 17H

FEU FOLLET : six pièces sous terre pour Jef Klak

par Anne-Line

"JEF KLAK, c’est un collectif et un site internet mais aussi une revue papier annuelle accompagnée d’un disque de création sonore. L’objectif ? Ne pas redire. Aller chercher du politique là où il se terre, accueillir de nouveaux langages, mélanger les styles, se moquer du vrai pour lui préférer l’intense… Aussi avons-nous choisi la contrainte, le jeu pour point de départ. Une comptine sert de fil conducteur à Jef Klak : chaque numéro a un thème dans l’ordre de Trois p’tits chats – Marabout, Bout d’ficelle, Selle de ch’val, Ch’val de course, etc. Et chaque thème est déplié selon les questions sociales et esthétiques que l’on pourra affronter..."

Aujourd’hui dans Histoires d’Ondes, on écoute les six pièces sous terre qui hantent et escortent le dernier numéro de la revue Jef Klak, "Feu Follet", à l’occasion de sa parution le 29 avril dernier.

"Après les feux qui couvent, Jef Klak s’est retrouvé nez à nez avec les feux follets, ces petites flammes froides qui apparaissent à proximité d’organismes en décomposition dans les vieux cimetières ou les marais. Sans mentir, l’une d’entre nous en a déjà vu un. Il s’échappait de la tombe de son arrière-grand-mère au fond du jardin - ses aïeux-les étaient protestant-es. Cette apparition était-elle un signe ? En tout cas la grand-mère se réjouissait à chaque fois que sa mère venait la visiter à l’improviste.

Rassurantes, inquiétantes ou imperceptibles, ces flammes fugitives nous ont ouvert une voie : nous allions explorer la toile des relations qui se tissent entre les mort-es et les vivant-es. Ces relations sont souvent affectées par le traitement public des mort-es. Alors que le réchauffement climatique suit son cours avec la promesse de la disparition d’espèces entières, que la catastrophe du covid brise encore des vies en silence, que les violences d’Etat continuent de tuer impunément, que l’invasion russe réactive la guerre en Ukraine, l’énormité des chiffres et les subtilités statistiques mettent les mort-es à distance et rendent parfois difficile d’appréhender ce qui est vraiment perdu. "Feu Follet" se situe ainsi au croisemnt entre les plis intérieurs du deuil et l’espace collectif où ces douleurs font effraction.

D’autant que la violence et l’injustice ne s’arrêtent pas quand cesse la vie. nous sommes lié-es à des mort-es parfois discrèt-es et oublié-es, parfois maltraité-es, instrumentalisé-es ou nié-es, et certaines vies sont jugées peu dignes d’être pleurées. _Face aux divers usages sont iels sont l’objet, nous n’envisageons pas toujours que les défunt-es puissent avoir leur mot à dire ou opposer une résistance. Pourtant, les mort-es se faufilent dans nos gestes, individuels ou collectifs, dans les rituels qui nous lient à l’au-delà - quoi que cela veuille dire pour chacun-e.

"Feu Follet" est ainsi hanté par le XIXème siècle occidental, dont les avancées technologiques (telles que la photographie et le télégraphe) ont souvent été une occasion de se mettre à l’écoute de signes spectraux d’un nouveau type, dans l’espoir de communiquer avec les mort-es.

Tout comme les spectres - ni absents ni tout à fait là, toujours à venir ou à revenir - les "disparu-es" n’en finissent pas de réapparaître, celles et ceux qui "nous ont quitté-es" rechignent parfois à vraiment partir. "Feu Follet" est ainsi traversé par le besoin incessant de ne pas jeter les fantômes dans le néant, soucieux, comme Chris Marker le formulait de "s’opposer au travail des pouvoirs qui nous veulent sans mémoire". L’exigence d’une politique mémorielle ne se limite pas au souvenir, elle est affaire de trace à collecter et à suivre, de présences à inviter et à choyer. La nuit tombe, la veillée débute."
Extrait de l’édito, Jef Klak, 2022.

A l’antenne :

Lecture de la première partie de l’édito en exergue, suivi des pièces :

Le Visage et les mains, Emilie Mousset, 12’10
Dans l’entre deux qu’est la chambre mortuaire, on (p)répare les corps avant leur présentation aux vivant-es. Entre silences et précision des gestes, soigner les mort-es pour aider ceux et celles qui restent, devant la densité d’un corps en train de disparaître.

Tendres Spectres, Anne-Line Drocourt, 6’11
Dans les hésitations, les souffles des vivant-es, on recolle, entre petites cuillères et pools de torse, les discrets indices laissés au quotidien par nos tendres spectres.

Schtrolle, Mélanie Gentilhomme 18’30
Schtrolle, c’est le surnom donné à cet enfant à naître. Qui n’en est pas encore un. Schtrolle, pour dire ce qui est en train de prendre forme dans l’utérus. Ce qui commence même à bouger. C’est une grossesse. Et puis, à cinq mois, Schtrolle s’arrête de vivre à l’intérieur.

ITC Experiment, Benoît Déchaut 10,53
Dans un vieux moulin à eau, on raconte qu’il est possible d’entendre des voix. J’aimerais enregistrer ces sons hantés, mais comment faire ? Il existe une technique spirite - l’ITC - qui consiste à utiliser ondes radio et bandes magnétiques pour y imprimer la voix des mort-es. Je tente le coup.

Comme s’il y avait une troisième chaise pour elle , Aude Rabillon, 14’42
J’enregistre trois ami-es qui me racontent leur lien avec leur amie Pauline - morte. C’est un caillou à plusieurs facettes. Un kaléidoscope. Je le fais tourner dans ma main et en creux, des brillances, des éclats - comme s’il y avait une troisième chaise pour elle.

https://www.jefklak.org/jef-klak/





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