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jeudi 5 novembre 2020

Binaural - novembre 2020

Noii

par Anne Laure

Dans Binaural aujourd’hui faisons place à l’orchestre Noii.

A géométrie variable, toujours désireux d’inviter de nouvelles et nouveaux camarades, le groupe improvise sur des pistes de recherche prédéterminées.

Masse, jaillissement, texture, silence, rythme, tension, joie et délicatesse surgissent de ces temps de rencontres musicales propices au travail de l’écoute et de l’improvisation-composition à plusieurs.

C’est une session qui s’est tenue en juillet dernier dans un vaste jardin du grand Betz non loin de Savenay et Campbon (Loire Atlantique) entre les poules et les tondeuses des voisins.

Avec Sarah Clénet (contrebasse), Clara Bodet (clarinette), Elise Carville (euphonium), Lucas Pizzini (flûte, cornemuse), Vincent Paillard (contrebasse), Jean-Benoit Nison (guitare), Tristan Ikor (saxophone), Mateo Guyon (percussions), Fabrice Lhoutellier (batterie), Joris Pesquer (batterie), Sylvain Didou (contrebasse), Antoine Cotton (guitare) et Anne-Laure Lejosne (flûte).

Mastering : Vincent Paillard

Sans oublier la sélection de textes littéraires surréalistes déclamés par Gilles Bouly (voix) :

lectures-gilles bouly

Benjamin Péret : QUATRE ANS APRÈS LE CHIEN
Extrait de Le Grand jeu, 1928

Ici commence la maison glaciale où la rotondité de la terre n’est plus qu’un mot aussi léger qu’une feuille dont la nature importe peu
Dans la maison glaciale danse tout ce que le mouvement de la terre ne peut pas empêcher de danser
toute la vie impossible et souhaitée tant de fois
tous les êtres dont l’existence est improbable
Là le temps équivaut au partage d’un empire
à une longue marche de Lilliputiens
à une cataracte de 1.800 mètres de hauteur

Passons aux actes
Une jeune femme entre dans la maison glaciale
fend un escalier dans toute sa longueur et le couvre de fumier
un fumier d’étoiles rongé par des dollars
Elle passe sa main sur ses yeux
et la Liberté éclairant le monde est la place de l’escalier
Elle crie tempête jure
à tel point que l’air en est bouleversé
Les oiseaux nécrophages

qui sont peut-être des insectes tombent du plafond
s’enfoncent dans le sol
et vont se fixer pour toute l’éternité au centre de la terre
qui en est tout émue

C’est alors qu’apparaît la maladie du sommeil
Le sommeil des arbres excite les vagues lubriques
et l’amour bondit comme un chien hors de sa niche
Autrement dit les vagues n’ont pas la force la foi qui soulève les montagnes
Je leur prête mon sexe et tout est dit et nous sommes tous très satisfaits

Une heure plus tard je le serai moins car je marcherai sur ma barbe

La maison glaciale s’est déplacée comme un tremblement de terre
et un caractère énergique
voici qu’à la chaleur communicative des banquets
un nouvel aspect des montagnes doit son existence à une impropriété de termes
Il n’en faut pas plus pour qu’un savant

un savant authentique à ce qu’on dit crie au miracle
Dans toutes les classes de la société
on ne songe plus qu’à jouir avec tous ses organes
Un député qui joua un rôle dans l’Affaire
affirme qu’il jouit par les poumons
Je veux bien le croire
quant à moi je monte dans un arbre
qui porte la tour Eiffel dans son ombre
et dont les racines ont vomi le soldat inconnu
De là j’aperçois la maison glaciale dans le bec d’une tourterelle
Est-ce la paix ou la guerre
Vite un taxi un aéroplane un cheval
Ca y est je suis arrivé
et mes jambes deviennent extraordinairement fortes
C’est qu’elles s’allongent outre mesure
Je suis un arbre immense qui couvre la terre de son ombre
Ah vous pouvez rigoler maintenant
vous n’êtes pas près de voir la lumière du soleil
Le soleil est une éclipse qui dure toute une époque géologique
et les enfants de l’époque ne s’en rappellent pas la couleur
Ceux pour lesquels la maison glaciale de leurs cheveux est une chambre d’amour ont le bonheur aux lèvres
, mais lorsqu’ils perdent leurs lèvres ils s’ennuient tellement qu’ils envient la vie des insectes adultes
C’est alors que je passerai
un rocher dans les mains
attendant que l’oiseau de la résurrection
se pose lourdement sur mon épaule
La droite ou la gauche

http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Le%20Grand%20jeu.htm

textes gilles

Benjamin Péret : DES CRIS ÉTOUFFÉS, 1957
Dans La Poésie surréaliste, éditions Seghers, 1964.

Celui qui du haut de la falaise siffle en ourlet de vague à l’autre qui lui répond  par une branche morte croulant sous le poids des orchidées
Celui qui abrite ses yeux sous un nuage de pluie à cinq branches pour mieux  voir s’enfuir une ombre entre les hautes fougères qui répètent dans le vent  un hymne de spores
Celui qui d’une oreille en brise écoute dans le dernier reflet du jour une femme  fredonner une chanson de gouttelettes qui retournent dans le sein de leur mère
Celui qui souffre d’une blessure en croissant de lune au front du jour
Celui qui gémit du passage à reculons du bleu de ciel entre des racines de  cathédrales sans dieu
Celui qui entend tous les génies du monde discuter dans un cône mort et leur  apporter son avis
Celui qui rit comme un pré fleuri tandis que les martins-pêcheurs montent  une garde en explosions
Celui qui répond par je t’aime au chant ensoleillé des ailes froissant la verdure  qui tète
Celui qui dit je t’aime à la première nacre du soleil répondant à un cœur né de  la fonte des neiges
Celui qui du plein midi sut extraire le bruissement inconnu des soudaines  métamorphoses et faillit rendre à la mousse tout ce qui d’elle avait jailli
Celui qui d’un dieu inerte sut obtenir un autre jour de vie
Celui qui fécondant l’erreur des miettes perdues inventa l’avenir et les regards  mimant sans le savoir les feux qui s’éteignent
Celui qui rendait au bois mort le chêne qui l’avait abrité afin de conquérir son   sang et de le semer d’accord avec les quatre couleurs
Celui qui regardant le doigt du jour l’accuser au sortir de la boutique comprit  qu’il reflétait toutes ses graines prêtes à germer
Celui qui se sentit menacé par le marteau de la lune à cause de la blessure  intermittente de sa compagne et s’étendit très loin dans le ventre de sa mère en  allumant des yeux morts
Celui qui entre deux bonds de saumon vit apparaître son premier cheveu blanc
Celui qui des gouttes de rosée filées par les ailes de l’aurore sur le rouet des arbres  en fleurs sut tisser le bas de la femme aimée
Celui qui derrière la poussière décrivant son destin galopa à la conquête des dieux  qu’elle dissimulait
Celui qui d’un signe permit les grimaces d’un singe ou la mort d’un cygne
Celui qui à la mort des grands bois partit pour voir de quel côté du spectre solaire  se lèverait le prochain jour
Celui qui fit rafraîchir par l’air du large le mollusque invisible d’autrui
Celui qui par la brise aidée d’un signe bénéfique transporta au-delà des déserts  les premières étincelles des soleils sans fin
Celui qui de cent bras croisés anima une plate effigie et tous les autres qui dansaient  dans l’eau claire comme des soupirs  qui dessinaient des signes cachés par la nuit dans les feuilles des arbres que  l’humus n’enfantait pas encore  qui travaillaient leurs désirs dans les vagues en lutte incessante et vaine pour la  domination des eaux  qui murmuraient des mots insensés en lançant aux quatre horizons les lueurs  savantes des volcans révoltés et l’espoir des grands sourires éveillant les sens l’âme  et jusqu’aux pierres éclatées
Tous et tant d’autres qui n’avaient qu’un jour
Qu’un feu d’artifice dissolvant un nuage de pluie
une vie de capucine qui aspire à l’éternité
un chant de pierre qu’on polit pour le rayon de soleil d’un jour unique
Tous se sont rassemblés sous la cupule d’un gland grande comme une planète perdue
et s’embrassant et s’entre-déchirant ont allumé un soleil qu’ils ne voient pas

http://poesiecontemporaine-ou-pas.over-blog.com/2019/03/des-cris-etouffes-de-benjamin-peret.html

contrebasses

Claude Pélieu : Les nains ont horreur de l’espace

Les nains ont horreur de l’espace. Nous avons affaire à une race de ventres, de squelettes , de culs, de bites, de barbares merdeux, d’horribles travailleurs & de criminels qui se piquent de magie. Les incidents violents rétablissent l’ordre dans les porcheries & les buanderies de l’univers- Les ventriloques débiles jouissent comme des rats sur des barricades d’immondices, restaurant le temps du mépris aux quatre coins du monde-Dans les rues règne la laideur, la peur et la violence ont remplacé la musique de la vie. Les nains, les robots & les songes ont exilé la parole dans la boue du ciel en réduisant l’homme au mensonge. La réalité s’est effondrée. »   « A force de déconner et de danser sur une planète morte les hommes font pleurer les anges-Dieu, dans le sanctuaire des étoiles réfléchit sur l’irréparable. »

https://www.recoursaupoeme.fr/claude-pelieu-new-poems-sketches-par-alain-brissiaud/

Benjamin Péret : Ces animaux de la famille, 1925

Dans le grand cercle blanc coupé, de distance en distance, de petites barrières de cristal, se tenait la grande ourse dont le silence est aussi favorable que ses cris sont néfastes aux navigateurs perdus dans les prairies ogivales longtemps parcourues, au sud de l’équateur, par les girafes borgnes, employées, dans l’antiquité, pour la décoration murale des temples élevés à la gloire de Minerve, par les hommes aux yeux mous, esclaves de la gerboise qu’ils gardaient éternellement dans leur estomac, comme un talisman destiné à les préserver des atteintes du froid et de l’excessive chaleur. Soudain, à l’instant où le soleil gesticulait à la façon d’un homme ivre, la grande ourse lança un cri si désespéré que le soleil cessa de s’agiter et laissa tomber sur la terre des milliers de petites bulles de savon sur lesquelles on lisait : MENAGERIE DES VIVANTS. Ces bulles devaient crever avant de toucher le sol. Or, il arriva que quelques-unes d’entre elles se posèrent sur la pointe des graminées qui tapissaient le grand cercle blanc. Aussitôt on entendit des cris épouvantables, capables de réveiller les volcans, capables même de rendre aux montagnes le souvenir de leur grandeur déchue et, des bulles, sortirent des tigres du Bengale qui s’ébrouèrent rejetant autour d’eux des épluchures de cacahuètes et des bobines de fil à coudre qui se déroulèrent lentement, avec la majesté d’un pape bénissant une forêt vierge dans laquelle se cache le jaguar qui, un jour, alors que le prélat sera plongé dans une prière aussi fade qu’une décoration à un militaire tué par son propre revolver qu’il avait dirigé contre son coeur parce qu’il estimait appartenir à l’armée ennemie, lui arrachera d’un coup de dents des parties sexuelles qui lui sont aussi inutiles qu’une lanterne sourde à un explorateur, au mois de juillet à midi.
Mais, si lent et si majestueux que soit le déroulement d’une bobine de fil à coudre, il arrive bien un jour où la bobine accepte avec résignation sa stupide nudité, cependant que le fil forme sur la plaine une longue ligne, droite si on a pris la précaution de toujours conserver le même but. Alors, s’il pleut, ce ne sont plus des gouttes d’eau qui tombent sur le sol mais des hérons qui, avec leur bec, ont tôt fait de découvrir la nappe d’eau souterraine où gémissent des poissons aveugles qui n’ont d’autre plaisir que de faire entendre leur voix sonore à travers les profondeurs obscures et, jusque-là, silencieuses de cet immense lac qui, d’ailleurs n’est un lac que par la volonté de son frère le gymnote.
O ! gymnote, mon ami, qui donc dira aux prêtres, ces escrocs sans envergure dont les pieds sont semblables à la pourriture de leur tête, que si, un jour d’été où les fruits dont la maturité est proche, la fantaisie t’en prenait, il suffirait d’un seul de tes regards beau comme le déroulement d’une bobine de fil pour qu’ils soient semblables aux restes d’un pauvre homme, un pauvre imbécile d’homme qui a servi sa patrie toute sa vie pour mourir une après-midi, en cueillant des pissenlits dont il pensait faire une salade pour son dîner. Les pourceaux l’ont à moitié mangé et, c’est pourquoi, après sa crémation il ne reste plus de lui que cette balle qui l’avait blessé dans quelque combat stupide contre les Pavillons-Noirs. Et voilà, gymnote, ce que tu pourrais faire d’un curé.
Mais voici la nuit ! Une nuit peuplée de bananes. Alors que, sous la voûte rouge où les sangsues glissent silencieusement comme des mains frôleuses, un homme se lève au milieu de son sommeil, tire les rideaux de sa fenêtre et jette ses meubles dehors, puis, débordant soudain d’une allégresse immense, comme un typhon qui, de son pied, balaie les montagnes inutiles, il descend les escaliers comme un chat-tigre à la poursuite d’une huître sur un rail de chemin de fer où passent d’heure en heure, des express internationaux. Ses meubles sont là ; mais, déjà, de l’armoire à glace éventrée sortent 4 000 flamants roses issus de ses chemises et de ses caleçons. Alors prenant à témoin les giroflées qui ont pris racine dans son matelas, il disparaît comme une mouche ; mais alors qu’une mouche ne disparaît pas pour tout le monde, on ne le reverra jamais.
Cependant, peu à peu, son mobilier donne naissance à toute une faune pour laquelle une flore nouvelle se crée. Le grand cheval de bataille aux oreilles d’argent et aux dents de terre se dresse au milieu du peuple affamé des rats jaunes mouchetés de gris qui s’enfuient, répandant en guise de crottes de minuscules papillons aux couleurs éclatantes, lesquels après avoir voleté un laps de temps qui n’est comparable qu’à l’épuisement progressif d’un homme qui, un beau matin, considérant l’afflux des voyageurs dans une grande gare de Paris a décidé de ne plus manger et observe cette résolution – je ne dirai pas jusqu’à ce que mort s’ensuive, car avant d’en arriver là, un brave rhinocéros, de l’espèce dite cochon-mangeur-de-pied-de-table, s’avance de son pas pesant comme un lac et, calculant mentalement le nombre de pieds de table nécessaires pour lui rendre la santé, puis le nombre d’arbres nécessaires pour faire ces pieds de table, juge plus expéditif de le manger mais, auparavant, il se dresse sur ses pattes de derrière et, corne en l’air, il fait à ses frères et ennemis, un discours :
Discours du Rhinocéros
O ! vous qui êtes mes frères parce que j’ai des ennemis, songez, songez au sort du baobab qui se lamente dans la cuisine du roi parce qu’on veut l’accommoder en salade. Pauvre baobab ! ô toi, orgueil de la rive droite du Rhin, toi qu’on avait apporté dans ce pays, si petit que tu tenais dans un dé à coudre et que les femmes en te voyant disaient :
« Oh ! qu’il est petit, qu’il est charmant ! comme il ferait bon être couché sous son ombre avec son amant ! » Et, sous la poussée énergique des lavandières qui, tous les lundis, venaient uriner à tes pieds, leur dos osseux appuyé sur ton tronc qui leur faisait l’effet d’un membre viril se frôlant contre elles, tu étais devenu cette belle couvée d’aptéryx qui s’enfuit silencieusement à l’approche des chlamydosaures, lesquels, somme toute, ne te voulaient aucun mal…

melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Ces animaux de la famille.html

Benjamin Péret : Dormir, dormir dans les pierres, 1926
Extrait

À quoi bon les germes des astres dans le sillage des végétations obscures
À quoi bon les mains d’écume sur le versant des collines
À quoi bon la vase devant la nuit
À quoi bon le soleil mousseux près de moi
À quoi bon l’invisible mirage des roches
À quoi bon les animaux du jour
si la nuit roule perpétuellement sur la pente du poison
et si le tonnerre des sables s’évapore comme la goutte d’eau
des images
cette goutte d’amour que nul ne recueillit jamais car elle s’évapore trop vite
si vite qu’elle n’est jamais que vapeur
Et si cette vapeur s’échappait des yeux vivants de la tempête
mais la tempête ment comme une soupe

A quoi bon
À quoi bon te lever sur le pied droit puisque le pied gauche t’attend
Comme la lune attend les torpilleurs qu’elle ne rejoindra jamais
Ah torpilleur à quoi bon
À quoi bon torpilleur votre cauchemar d’éponge puisqu’il restera cauchemar
comme l’eau reste vent et le vent éponge
À quoi bon puisque tout n’est qu’eau et vent comme vous et vos cauchemars
À quoi bon mon torpilleur et mon cauchemar se confondent
dans une goutte d’eau qui tombe perpétuellement sous mon crâne
et jamais ne fera ni un lac ni un ruisseau car c’est l’inverse que je vois
Les crocodiles se promènent comme des reines et les reines vivent avec les taupes

A quoi bon
les saluts des interstices qui séparent la chair des arbres
si les arbres s’effondrent dans l’océan des talons
comme s’effondrent mes yeux au passage de midi

À quoi bon les poussières des hauteurs
et le frôlement voluptueux des lignes lumineuses sur des jambes d’azote
À quoi bon le passage d’un point à un autre
À quoi bon les lignes de la main et le charbon qu’elles cachent
À quoi bon l’enfance des os
À quoi bon les lueurs qui disparaissent à l’horizon
À quoi bon mon amour dans une corne gelée
À quoi bon la corne gelée qui ne se renversera jamais sur mon amour
car il est autour de la corne
comme les pierres autour de la maison

http://melusine-surrealisme.fr/site/Peret/Dormir.htm

binaur-al





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